LA STUD

« Un jour j’ai décidé d’envoyer ma musique à mon label préféré R & S » – Ken Ishii

La musique électronique a toujours été formée d’une subjectivité exemplaire. De nos jours, dans la société dans laquelle nous vivons, nous pouvons l’entendre encore plus. Quasiment pas de mots, principalement des sons que tout le monde peut comprendre, associer ou interpréter facilement. Nous voulons nous dépasser et essayer de comprendre le liant entre cette abstraction subjective et notre société de plus en plus sensible à cette forme d’art. Aujourd’hui, nous en parlons avec une des figures de la musique électronique, Ken Ishii.

Salut Ken, tes premiers albums et Eps tu les signais sur R&S Records, tous les artistes qui ont débuté sur le label de Renaat ont leur proper histoire concernant ces débuts. Quelle est la tienne ?

J’étais étudiant à Tokyo et je mixais pour mes amis, de temps en temps je produisais quelques morceaux pour le fun. Un jour, j’ai décidé d’envoyer ma musique a mon label favori, à l’époque R&S, en ayant une fine couche d’espoir de faire partie des artistes de leur catalogue. Je leur ai envoyé une cassette et ils m’ont répondu. Pas par mail mais par voie postale. Ils avaient dit qu’ils étaient très intéressés par ma musique. Après quelques échanges, ils m’ont envoyé un contrat pour sortir un vinyle 12 pouces avec un album en plus en option par la Fedex. C’est comme ça que tout a débuté.



Quelle est la difference entre le Ken Ishii qui sortait Pneuma en 1993 et le Ken Ishii d’aujourd’hui qui a sorti Malfunction Manipulation en termes de musique ?

Comme je disais, j’étais un étudiant normal, un autodidacte qui composait dans sa chambre. Je faisais de la musique avec mon instinct et sans vraiment connaître les bases au début. Mais j’ai appris beaucoup de choses avec mon matériel, la programmation, l’ingénierie… et j’ai acquis de l’expérience grâce aux nombreuses soirées. Je pense que mon niveau de production est OK maintenant. Cependant, je sais pourquoi je continue à faire de la musique de la même façon qu’avant. C’est parce que j’aime faire de la musique. C’est toujours mon hobby favori, ce n’est pas un travail.



Le Japon a toujours eu une façon originale et unique de s’approprier certains styles de musique. Le jazz japonais est unique, le rap japonais est unique, la pop japonaise est unique, tout comme la funk japonaise. Il n’y a aucun égal à la musique électronique japonaise. Comment expliques-tu ce phénomène ?

Je suis d’accord avec ces styles musicaux, le Japon a toujours eu une position de suiveur par rapport aux pays qui avaient déjà développé leurs styles. Pour être connu et reconnu à l’international, tu dois avoir quelque chose de très différente et de très unique par rapport aux autres styles. D’un autre côté, avec la musique électronique, nous avions un essor national grâce à la pop techno de YMO au début des années 1980 pendant que la house et la techno débutaient en Europe. Nous étions dans la même génération et nous n’avions pas à  prétendre à être différents, tout se passe en même temps.



En Europe il y a cette aura un peu sombre qui est parfois regretable dans la musique électronique. Tes productions sont pleines de couleurs et de brillance. Ta dernière collaboration avec Dimpy Singh (Drunken Kong) nous a montré, comme la plupart de tes sorties, un côté plus obscur de ta techno. Penses-tu qu’il existe des façons plus sombres et plus lumineuses de faire de musique ?

Ne le prends pas d’une façon si negative. La musique électronique a déjà une histoire assez longue et a toujours connu des hauts et des bas. Peut-être qu’aujourd’hui elle n’est pas dans un très bon état en termes d’apparences mais il y a toujours de la bonne musique soutenue par des belles personnes partout.



Nous posons souvent cette question aux gens qui ont fait naître la techno, à l’époque, au début du mouvement, qui ou qu’est ce qui t’a inspiré pour produire ce style de sonorités ?

J’ai été un grand fan de la musique électronique depuis l’époque Kraftwerk et Yellow Magic Orchestra mais mes premières influences en tant que producteur venaient de la techno de Détroit. Juan Atkins, Derrick May, Kevin Saunderson et Underground Resistance. Eux et leur musique m’ont vraiment donné du courage et de l’inspiration. 


En parlant d’influences, beaucoup d’artistes français ont grandi en écoutant Ryuichi Sakamoto et sa Yellow Magic Orchestra, avec tous ses projets annexes. En France, il symbolise également le talent et le génie des artistes de musique électronique japonaise ; a-t-il un statut particulier auprès des artistes de ta génération ?
Bien sûr que oui. Il n’est pas connecté avec la scène club mais beaucoup d’artistes de ma generation ont été influences par lui et sa YMO. J’adore son album “B-2 Unit” de 1981 et je l’écoute encore aujourd’hui parfois.

On est tombés sur une interview très retro sortie dans les années 1990 dans une émission appelée Party Zone sur MTV. A l’époque les artistes techno avaient une certaine reconnaissance à la télévision. On voit de moins en moins d’artistes issus de la scène électronique apparaître sur ce style de médias, qu’en penses-tu de cette forme de non-médiatisation au travers de ces canaux ?
Party Zone, ça me dit quelque chose oui. Je ne pense pas que les artistes comme nous aient besoin d’apparaître sur ces medias mainstream, mais de temps à autres, un jeune artiste, une figure montante de la musique électronique/techno, qui fait de la musique cool peut faire une apparition. C’est assez sain pour cette scène.

Tu as composé des musiques pour les jeux vidéo, pour les Jeux Olympiques d’hiver, t’es l’un des instigateurs de la musique électronique… Comment trouves-tu ton inspiration aujourd’hui ?
Tout est inspirant. Des bonnes (et des mauvaises) soirées, comment les gens réagissent ça peut être une forme d’influence pour faire des tracks plus dance. Il y a pas mal de choses intéressantes que je vois à l’extérieur des clubs et des festivals aussi qui m’inspirent. J’ai récemment eu une discussion très intéressante avec un musée de la technologie du futur et du cosmos au Japon. C’est une de mes grandes sources d’inspirations là à l’instant.

Si tu n’avais pas produit de la musique quelles auraient été tes passions,  que tu pourrais transformer comme ton travail ?
Du design graphique ou brasser des bières je crois.

Que peut-on te souhaiter, Ken Ishii, pour cette année 2019 ? Quels sont tes projets ?
Je vais sortir mon album Ken Ishii cette année. Ce sera le premier depuis 13 ans. En plus, je vais continuer à sortir des EPs et des remixs sur de nombreux labels, comme d’habitude. « Montage Ep » sur Octopus et un remix pour Anderson Noise sur Different Is Different en Avril. J’ai aussi des plans pour travailler une musique de jeux et de VR.

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