Désireux de rassembler artistes, publics et acteurs.trices culturel.le.s cet été après une longue période de relations à distance, les deux phares de la diffusion de musique électronique de la Friche, le Cabaret Aléatoire et Bi-pole renouent les liens pour proposer une version alternative du format festival classique.
On attendait l’été depuis quelque temps déjà, si les signaux revenaient au vert puis partaient en U-turn dans le rouge pour certains de nos voisins européens, on sentait que notre reprise arrivait significativement. Impatient.e.s de voir quel été nous serait réservé plus d’un an après l’arrêt des festivités, on a pris plaisir à voir tous ces lineups fleurir ici et là.
Une de nos plus grandes attentes se tournait du côté de la Friche Belle de mai, et plus précisément du côté du Cabaret Aléatoire et de Bi:Pole qui, chaque année, présentent un calendrier chargé et distingué (qu’on suit de près). On a pu les suivre durant cette dernière année où ni les équipes, ni les moteurs n’étaient à l’arrêt. Tous deux ont su mettre à profit le temps disponible pour se développer, innover, diffuser, accompagner ou créer.
Le Cabaret a fait tourné sa salle, que ce soit pour des résidences, de la recherche et développement de création de dispositif sonore, des captations ou encore de l’accompagnement d’artistes. Les équipes de Bi:Pole aussi ont pu se concentrer sur d’autres champs et activités qui, énergivores en termes de temps, ont pu émerger plus facilement face à la période ; avec un point d’honneur sur l’édition, la diffusion, la création et le travail sur les questions d’ordre sociétal (notamment l’inclusion).
Une évidence donc pour les deux structures de proposer un schéma commun fort d’une reprise à deux têtes, c’est ainsi que naît la deuxième version d’Un Autre Air. Après une première édition digitale en juin 2020 produite par Bi:Pole, mettant en avant les espoirs de la scène locale et rassemblant une centaine de technicien.ne.s, la proposition 2021 s’engage davantage dans l’unicité de l’expérience festivalière.
Live Report
Cet ‘Un Autre Air 2021’ est donc une édition particulière et intrigante dont la programmation était confiée à Jennifer Cardini qui plaça ces deux jours de live aux couleurs leftfield de son label Dischi Autunno. On a participé à ce format unique dont personne ne savait à quoi s’attendre, on a traversé les étages et les espaces de la Friche de long en large sans forcément se les approprier mais en gardant cette étiquette de spectateur discret. On s’est glissé dans un départ de fin d’après-midi par petit groupe (parmi trois départs différents) pour entamer le périple concocté par les organisateur.rice.s. L’organisation nous présentait des médiateur.rice.s chef.fe.s de groupe en amont du festival, on s’attendait à des aiguilleur.euse.s pour dynamiser le parcours mais peut être pas autant dans l’animation et la sollicitation du public. L’expérience était complète du début à la fin et on a pu facilement échanger avec les autres participants du groupe.
Premier stop pour Wladimir Schall et Liam Warren, accompagnés des danseur.seuse.s de Rift. Une musique et une performance qui remplit l’étage pour un premier temps mise en bouche d’une soirée progressivement mouvementée. On imagine que la scénographie prévue pour cet espace devait luire et compléter la musique et la danse du duo en temps nocturne entre les miroirs et les plaques colorées.
Fin du live et direction le toit terrasse pour une activité de groupe destinée à grossièrement rapprocher les spectateur.rice.s entre eux. Malgré le côté un peu décalé par rapport à notre venue à la friche ce jour-là, on nous a rapidement invité à rejoindre la partie supérieure du toit terrasse pour une collation sous fond d’ambiance pêchue avec le B2B de Ttristana et Christoff Riedel. Deuxième espace donc, rythmé de rap, reggaeton sous couverts de gros subs et de sonorités Dreampop/Post-trap, qui forge l’univers des deux artistes.
Fin de repas et enchaînement sur la suite du parcours, au moment où l’espace devant le module Pikip se remplissait par un public rassasié et dévoué à bouger. On suit donc nos guides, croise brièvement le deuxième groupe qui allait entamer ton activité d’interprétation et on rejoint le module du GMEM sous la boule à facette, comme reine de ce troisième espace. Curses et Pablo Bozzi sont à la carte des deux heures suivantes (on découvre la programmation au fur et à mesure en même temps que le parcours). Ici on marque un bel arrêt : l’espace intimiste, la scénographie, les jeux de lumière et le son immersif (huit enceintes Funktion One en 360° autour du module) nous mettent bien. Les deux lives s’imbriquent parfaitement, l’occasion de voir les deux créations dans un lieu bien investi. On remercie les bars présents sur chaque espace pour nous proposer une carte évolutive entre les scènes.
Après deux heures passées comme une, on prend la sortie du module pour se diriger vers le boss final de la soirée, boss si inconnu que connu. On nous a réservé le nouveau parking incliné de la Friche pour flirter avec le B2B XXL de Jennifer Cardini, Kendal, Borusiade et Abstraxion (noter que ces deux dernier.ère.s performaient leur live le lendemain à la place de Curses et Pablo Bozzi). On retrouvait là l’essence du parking Warehouse du Bon Air 2019 avec cependant un reflet plus fidèle des couleurs de la DA de cet édition d’Un Autre Air : gros spots de chaque côté du parking oscillant entre violet/bleu/orange/rouge sur l’air quasi opaque de la fumée. Du VJ en fond de scène pour la touche finale, si l’on peut parler de scène, de par la proximité entre les artistes et le public qui s’avérait plus qu’intéressante qu’avec un booth intouchable. On a pu profiter de cet espace bien 3-4H, ce qui a su ravir nos genoux endormis de cette longue période d’abstinence festive.
Un Autre Air a su trouver sa place. Un format que l’on recherchait sans forcément réussir à l’imaginer, mais ce qu’à réussi à réaliser Bi:Pole et le Cabaret Aléatoire. C’est avant tout la possibilité d’être présent dans le calendrier, de fédérer mais également de tenter et de prendre des risques. Sûrement que ce format n’a pas su ravir les plus frileux en attente de tapage de pied intensif, mais on a trouvé une réelle pertinence dans la proposition artistique. La programmation trouve ainsi tout son sens puisque le public ne consomme pas l’évènement comme lors d’un gros format. Le travail réalisé entre la direction artistique, le choix des espaces et de la scénographie se vit du début à la fin. Cette expérience arrive donc à s’inscrire dans son temps tout en s’essayant à de nouvelles pratiques de présentation. C’est d’autant plus de travail lorsqu’on doit s’adapter aux mesures sanitaires, une réelle gymnastique pour les organisateur.rice.s pour proposer un évènement viable et sécuritaire pour le public, les artistes et les équipes, tout en garantissant une offre culturelle sensée.
Est-ce qu’on peut parler du festival de demain ? Sûrement pas encore, on aura toujours besoin des grands sols terreux et friches de béton à fouler par milliers et de se sentir aussi libre que chacun le souhaite. Mais cette forme est là un modèle à envisager pour beaucoup d’évènements, avec l’idée de revenir à des formes plus petites, refaire confiance au local et prendre des risques. Même si les contraintes économiques et financières sont des freins au développement de formes plus personnelles, il est certain que le changement vers de nouveaux concepts et de nouvelles expériences plus appropriées aux créations artistiques, n’en déplaise au public adepte de la sécurité, soit une partie du live de demain.
Comblez encore plus vos agendas et faites de la place pour Le Bon Air, les 11 et 12 août prochains, et pour Utopia le 24 et le 25 septembre 2021.